Démystifier l’hypnose
Dans l’état hypnotique, la conscience est modifiée et devient une forme de concentration en partie consciente. Plongé au cour de cette « conscience parallèle », le patient peut puiser des ressources pour déclencher le processus de changement et parvenir à l’autoguérison.
Se soigner avec l’hypnose et les pertes de contrôle du corps ?
En 150 ans d’existence, l’hypnose a connu des mutations considérables. Rappelons que Freud l’a utilisée pendant neuf ans puis l’a abandonnée car il n’obtenait pas de résultats escomptés et, surtout, l’hypnose ne lui donnait pas suffisamment de pouvoir. Le maître de la psychanalyse s’imaginait en effet que les patients sous hypnose allaient se soumettre à sa volonté et à son autorité. Bref, qu’ils allaient lui « obéir ». Freud faisait fausse route.
Plus tard, le chirurgien écossais James Braid a fait une découverte fondamentale en comprenant qu’hypnotiser relève d’un savoir et non d’un pouvoir. « Le sujet en hypnose n’est pas "obéissant", explique, le Dr Eric Mairlot, neuro-psychiatre et directeur de l’Institut de nouvelle hypnose. Il est impossible de lui faire faire ou de lui faire dire quelque chose contre sa volonté ou sa morale.
Dans l’hypnose, on vise à établir une relation de confiance et de saine collaboration et on utilise la suggestion pour déclencher un changement dans le fonctionnement psychobiologique. » Cette relation de confiance et de collaboration a été mise en évidence par Milton H. Erickson, psychiatre génial, considéré comme « inventeur » de la nouvelle hypnose qui s’avère plus efficace.
A l’inverse de la psychanalyse ou de certaines psychothérapies, elle ne cherche pas l’origine du mal, mais se focalise sur la souffrance du patient « ici et maintenant » et lui fournit les moyens pour résoudre le problème en lui révélant les capacités d’autoguérison. Une image illustre très bien cette théorie : en hypnose, on ne donne pas au patient une pelle pour creuser les profondeurs et, souvent, s’enfoncer de plus en plus, mais on lui tend une échelle pour s’en sortir rapidement. Erickson a fait une autre découverte importante. Il a démontré que tout le monde est hypnotisable même si certaines personnes sont plus talentueuses que d’autres.
Développement de l’hypnose
Ces dernières années, l’hypnose s’est développée considérablement et son champ d’application est extrêmement vaste. Pour résumer, on peut dire qu’elle traite toutes les pertes de contrôle du corps ou du mental. « C’est un peu paradoxal, intervient le Dr Mairlot.
En effet, les gens ont peur de l’hypnose car ils ont peur de perdre le contrôle. Or ils souffrent parce que justement ils le perdent. L’hypnose apprend de nouvelles formes de contrôles qui n’utilisent pas la volonté, elle stimule les ressources intérieures et le pouvoir de l’auto guérison qu’il y a dans chaque être. »
Quelles sont ces pertes de contrôle ? Au niveau de la pensée, on peut citer les obsessions, les idées fixes, les deuils pathologiques ou encore les états dépressifs lorsque quelqu’un véhicule une image négative de soi. Le travail sur les émotions permet de maîtriser la colère, le dégoût ou l’agoraphobie. Au chapitre des comportements, l’hypnose donne d’excellents résultats pour lutter contre les addictions, telles le tabac, l’alcool, la drogue et la boulimie. Le sevrage tabagique a un taux de réussite immédiate de 98 %. A plus long terme, 75 % des ex-fumeurs tiennent bon, environ 25 % rechutent...
« La boulimie, une vraie crise boulimique, est une forme d’autohypnose profonde et négative, une perte de contrôle involontaire, souligne le Dr Mairlot. La personne qui fonce vers le frigo est dans un état second et ne se rend même pas compte de ce qu’elle mange. On lui apprend à utiliser cet état d’autohypnose de manière positive. » Ajoutons toutefois que l’hypnose ne donne quasi aucun résultat en cas d’anorexie, les anorexiques étant résistants à toute forme de thérapie. L’hypnose est aussi utilisée pour combattre les états entre-deux, « bizarres » et désagréables, tels la fatigue ou des états grippaux où l’individu perd le contrôle d’un état de conscience.
« Etant donné que dans de nombreux troubles physiques il y a une composante psychique, l’hypnose peut se montrer efficace pour soigner les arythmies, l’asthme, la migraine, les ulcères récidivants, les allergies, le psoriasis et les troubles de fécondité, souligne le Dr Mairlot. Les troubles fonctionnels sont plus faciles et plus rapides à traiter que les troubles psychologiques. »
Parmi les applications les plus récentes, citons l’anesthésie sous l’hypnose. Le CHU de Liège, pionnier dans le domaine, la pratique depuis 1992 (la reine Fabiola a opté pour cette méthode lors de son opération de la thyroïde). A ce jour, le CHU a réalisé environ 8 000 anesthésies sous hypnose. Y a-t-il des limites ? Oui. L’hypnose s’avère inefficace en cas de psychoses, de schizophrénie, de paranoïa, d’autisme ou de troubles maniaco-dépressifs. Ces limites prouvent bien qu’il est impossible de traiter un patient contre sa volonté.